L’INVISIBLE FIL DES ORIGINES
Mémoire minérale, mémoire vivante.
Mon travail d’artiste s’est orienté au fil du temps, vers une convergence inattendue, mais résolument intime : celle de l’art visuel avec le monde de la minéralogie.
Ce n’est pas un choix intellectuel, mais plutôt le fruit d’un lent retour, une archéologie intime, où le geste artistique vient réveiller un souvenir enfoui.
Enfance et inspiration.
Depuis mon enfance, les minéraux exercent sur moi une réelle fascination. Quartz, roses des sables, soufre cristallisé, pyrites, hématites… chaque trésor brille comme les fragments d'un monde perdu, porteur d’un mystère que mon admiration sublime. Au fil des années, cette collection se disperse, laissant derrière elle une absence. La passion, en parallèle, se retire doucement, et le monde minéral devient mémoire.
Pourtant, le lien avec la nature reste intact. Je puise mon inspiration dans le vivant, les lignes des végétaux, la beauté animale, le souffle de la matière organique. Ces formes et textures nourrissent ma création, jusqu’à ce que le monde minéral frappe à nouveau à ma porte. Non plus comme un souvenir empreint de nostalgie, mais comme une évidence : une source vivante de poésie et de beauté qui guide à nouveau mon travail artistique.
Origines et filiation.
Mon lien avec le minéral ne se réduit pas à l’esthétique ou à la science : il est profondément existentiel.
Il s’inscrit dans une généalogie où la nature occupe une place centrale. Mon grand-père maternel fut botaniste, ma grand-mère, fleuriste, mon arrière-grand-père, forestier. Mon père, architecte passionné par le bois, me transmet sa passion pour les matériaux bruts et les techniques à la fois modernes et artisanales. Les gestes fondateurs de mon enfance — un ami de la famille qui m’initie à la minéralogie, les trésors collectés et contemplés — ont façonné mon rapport à la matière et à la beauté. Mon nom même, Minery, semble une invitation à explorer, fouiller, extraire : un écho poétique à la pratique artistique elle-même, une forme d’exploration du sens.
Chaque lieu que je traverse nourrit cette sensibilité. Paris, Strasbourg, Nancy, Colmar, Berlin, Munich. Jardins botaniques, forêts, lacs alpins, musées et tunnels miniers, Art Nouveau ou œuvres de Bartholdi, tout résonne avec ma mémoire familiale et l’histoire du vivant. La nature devient refuge et exutoire, un prolongement de l’énergie vitale.
Le geste.
Aujourd’hui, mon travail explore la tension fertile entre minéral et végétal. Sur le terrain, je collecte des spécimens dans les Vosges ou la Forêt-Noire, j’observe leur géologie et leur contexte. L’acte de prélèvement est respectueux : comprendre avant de transformer. Chaque cristal révèle sa lente métamorphose, façonnée par les intempéries, les pressions et les interactions chimiques. En le nettoyant et le révélant, je pratique un rituel précis.
Cette observation nourrit mes œuvres — peintures acryliques et autres médiums — où je cherche non la reproduction, mais la résonance. La structure minérale dialogue avec le végétal, révélant un langage commun, une continuité entre les règnes. Le minéral nourrit le végétal, qui nourrit l’animal, et ainsi de suite. De la roche à l’âme, je tente d’habiter le monde avec conscience, sensibilité et gratitude, en faisant émerger la beauté et le souffle du vivant dans chaque geste artistique.